Mis à jour le 5 juin 2024.
[Note introductive : voilà deux ans que j’ai commencé cette enquête, j’ai longtemps préféré ne pas vous la publier ne pouvant conclure de façon tranchée, car j’ai fait face à deux obstacles majeurs :
- les spécialistes ne sont pas toujours d’accord
- l’industrie pharmaceutique ne donnant pas les quantités de chaque ingrédient composant leurs médicaments, on ne peut que tirer des conclusions très partielles.
Pour autant, vous devriez en retirer plusieurs clés qui vous permettront de mieux vous y retrouver et d’évacuer des craintes sur certains sujets. La réflexion sera peut-être enrichie à l’avenir.]
55% des médicaments contiennent au moins un fodmap.
Le Figaro (Source 1)
Si j’attrape le tube de paracétamol que j’ai dans ma pharmacie, je vois qu’il contient du lactose et sur sorbitol. Le Doliprane a lui du mannitol.
Gaëlle, utilisatrice de Fodmapedia, m’a écrit : « doit-on continuer à prendre la pilule contraceptive dans le cadre du régime pauvre en FODMAPs ? La mienne est contre-indiquée aux femmes qui souffrent de malabsorption du glucose/galactose, de déficit en lactase, d’intolérance au fructose et galactose.«
On s’est tous posé la question en regardant les étiquettes et franchement personne n’apporte de réponse claire. J’ai donc posé cette question à plusieurs médecins, pharmaciens et laboratoires.
Les médicaments, c’est comme la nourriture
Tout est une question de quantité, n’oubliez pas que vous avez un problème d’intolérance (qui permet de supporter des petites quantités), pas d’allergie (qui se déclenche avec des quantités très faibles.)
Prendre un médicament une à trois fois par jour ne vous ferait consommer que des petites quantités de fodmaps. Mais la limite déclenchant des symptômes pouvant être basse, vous avez besoin de connaître quelques détails sur les excipients.
Les fodmaps se cachent dans les excipients
« Un excipient désigne toute substance autre que le principe actif dans un médicament […]. Les excipients vont conférer au médicament des qualités de stabilité, forme, dissolution, ciblage, goût, couleur, esthétique. » (source 2, Wikipedia)
Le principe actif est par exemple le paracétamol, l’excipient est ce qui compose le cachet pour le rendre effervescent ou solide.
Quelle quantité d’excipient ?
En moyenne, un médicament solide oral contiendra 280 mg d’excipient.
Source 1 (Le Figaro)
Ce n’est donc pas insignifiant, car nous savons que les fodmaps peuvent déclencher des symptômes à 200 mg (source 3).
Mais cette moyenne de 280 mg cache de grandes disparités.
Le paracétamol effervescent que j’ai trouvé dans mes tiroirs contiendrait au moins 0,66 g de sodium/lactose ¹.
La forme de votre médicament influe beaucoup sur la présence de fodmaps
Le même médicament peut se retrouver sous la forme d’un comprimé solide, effervescent, en poudre, en suppositoire, en sirop ou en spray par exemple. C’est ce que l’on appelle la galénique.
La composition de l’excipient sera ainsi complètement différente, la teneur en fodmaps également.
Si l’on reste avec le paracétamol, le Doliprane au format effervescent contient du mannitol, quand celui en comprimé ou celui en gélule n’en contient pas.
De même, le générique et le médicament de référence ont des compositions différentes
Ils sont similaires côté principes actifs, mais la composition des excipients varie fortement. Regardez toujours la composition si vous souhaitez être sûr(e) lorsque l’on vous propose une substitution.
Concrètement, est-ce qu’il faut s’inquiéter et que doit-on éviter ?
Je n’ai malheureusement qu’une réponse partielle.
Le problème est qu’il est apparemment impossible aujourd’hui d’obtenir les quantités précises des excipients utilisés.
Monsieur,
En réponse à votre demande du 30/07/2020, vous trouverez dans la notice les excipients entrants dans la composition de nos médicaments. Si un excipient est présent en quantité présentant un effet notoire, alors cette quantité est indiquée (exemple, sodium dans Doliprane 1000 mg effervescent).
Réponse du service client Sanofi à ma question sur les détails des quantités de mannitol et sorbitol de leur Doliprane.
La quantité exacte des excipients est une donnée confidentielle du dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et ne peut être pas vous être communiquée par oral ou par écrit.
Sans connaître la quantité réelle, il est impossible de statuer.
Le problème est que nos fodmaps ne sont pas considérés comme des excipients à effet notoire, donc fin de la discussion pour les laboratoires et l’Etat.
Il y a pourtant 3890 médicaments français contenant du glycérol, 3390 du mannitol, 2190 du sorbitol, ce qui est loin d’être anecdotique. 🤔
Vous avez peut-être entendu parler des « excipients à effet notoire ». Selon le Code de la santé publique, « on entend par excipient à effet notoire tout excipient dont la présence peut nécessiter des précautions d’emploi pour certaines catégories de patients ». Ce sont ceux qui nous intéressent, même si les fodmaps ne sont que rarement classés dans ces excipients.
On ne peut que lire entre les lignes :
Les excipients sont classés par quantité ¹
On peut voir sur la photo du paracétamol plus haut qu’il contient 331 mg de sodium (0,331 gr), le lactose étant placé avant, cela signifie qu’il y a plus de 0,33 g de lactose dans ce comprimé.
Le sorbitol étant placé après, il est donc en quantité inférieure, mais cela peut être 0,32 gr comme 0,01 gr, il est impossible de le savoir 😑.
Les ingrédients composant un médicament, tout comme ceux d’un produit alimentaire, sont toujours classés dans l’ordre de leur quantité.
Quels fodmaps peut-on retrouver ?
Les polyols reviennent souvent
Le sorbitol et le mannitol que vous connaissez certainement, mais le maltitol (E965), le xylitol (E967) et l’isomalt (E953) qui sont d’autres polyols sont extrêmement courants dans les médicaments effervescents, sirops, gommes à mâcher et pastilles.
À noter que l’aspartame / sucralose et la maltodextrine que l’on retrouve souvent ne posent a priori pas de problème côté fodmaps.
Le glycérol (E422) est également un polyol courant, mais son statut côté fodmaps est plus flou.
Sirops pour la toux et gommes à mâcher pour arrêter le tabac ont souvent plusieurs polyols à leur composition.
De même, les médicaments « sans sucre » ont plus de chances d’avoir des polyols pour venir compenser le sucre, cela peut vous alerter pour penser à regarder la composition.
Je dirais que ce sont les principaux suspects à regarder, dont les quantités peuvent générer des troubles chez certains.
Lactose
Un grand classique des médicaments malheureusement.
Du coup, on en fait quoi ?
Plusieurs études ont tenté de voir si le lactose était réellement un problème (voir ici les sources 13, 14 et 15 qui sont intéressantes si vous voulez creuser), mais dans le cadre du régime fodmaps, il n’y a qu’une chose à retenir :
1 g de lactose par repas
Vous pouvez manger jusqu’à un gramme de lactose par repas, dose qui n’est jamais atteinte par un quelconque médicament que j’ai pu identifier (on en est loin).
J’ai écrit ce guide du fromage fodmap pour bien comprendre ce que vous pouvez manger côté produits contenant du lactose.
Fructanes
Il arrive de trouver quelques médicaments avec la mention « amidon de blé » ou « gluten« .
Cette mention est rendue obligatoire pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque : si ce n’est pas votre cas, la quantité est beaucoup trop faible pour déclencher des symptômes chez vous, ne vous en préoccupez pas.
GOS
Je n’en ai jamais détecté.
RCP
Si vous n’avez pas la composition d’un médicament, sachez que vous pouvez trouver facilement le RCP de chacun d’eux sur le site de l’ANSM (le Résumé des Caractéristiques du Produit).
N’arrêtez aucun traitement sans en discuter avec votre médecin
Il est normal de se soucier des médicaments que l’on vous donne et de se demander s’ils sont adaptés aux fodmaps. Mais dans aucun cas n’arrêtez de prendre quoi que ce soit parce que vous avez lu un conseil sur un groupe d’entraide.
L’arrêt d’un traitement aura bien souvent des conséquences bien plus graves que les troubles digestifs que vous pourriez avoir.
Conclusion
Rien d’alarmant côté fodmaps, en tout cas rien qui ne doive vous faire arrêter un traitement sans en parler avec votre médecin.
Dans le pire des cas, vous ne devriez avoir que des troubles plutôt légers à modérés.
Vous pouvez prendre l’habitude comme pour la nourriture de regarder les compositions, la forme de votre médicament (effervescent ou en comprimé joue beaucoup) et les différentes marques n’utilisent pas les mêmes excipients (le paracétamol de Sanofi, le Doliprane, n’a pas la même composition que le générique !).
Il vous faut créer une relation de confiance avec les professionnels de santé qui vous entourent, n’hésitez pas à leur rappeler que vous avez un syndrome de l’intestin irritable et que certains excipients peuvent vous causer des désagréments. Autant « fructanes » ne va rien évoquer à un pharmacien, autant ils connaissent bien « polyol » ou « sorbitol » qui sont des ingrédients très courant dans les médicaments.
Il est souvent très facile de vous proposer un comprimé « dur » qui aura nettement moins de chance d’avoir des fodmaps, qu’un sirop ou un comprimé effervescent qui en contiennent plus souvent.
Sources
J’ai sondé sur plusieurs mois quelques professionnels de santé (généralistes, gastro-entérologues, allergologues, pharmaciens) pour écrire cet article, en plus de ces quelques sources :
- Source 1 : Médicaments : et si les excipients étaient plus actifs qu’on ne le pense ?, article du Figaro du 22 mars 2019.
- Source 2 : Excipient sur Wikipedia.
- Source 3 : FODMAPs: food composition, defining cutoff values and international application, février 2017, Jane Varney, Jacqueline Barrett, Kate Scarlata, Patsy Catsos, Peter R Gibson, Jane G Muir (chercheurs de l’université de Monash).
Note
¹ Cette affirmation suppose que l’ordre des ingrédients de la composition est en fonction de la quantité. Un consensus de professionnels que j’ai interrogés s’est dégagé en faveur de l’ordre listé en fonction des quantités, mais certains m’ont dit que ce n’était pas forcément le cas. Je parle de pharmaciens, médecins et de laboratoires pharmaceutiques. Je trouve cela fou d’en être là et qu’une information aussi basique n’ait pas de réponse claire. Si une nouvelle information me parvient, je viendrai mettre cet article à jour. Si ce n’était pas le cas, on pourrait encore moins déduire d’informations, mais au final ne changerait pas grand-chose sur le fond du problème.
Au sujet de l’aspartam que j’ai justement découvert lors d’un traitement je peux vous dire que cet édulcorant aggrave mes problèmes de SII et me provoque de la fermentation
L’aspartam est loin d’être anodin je pense que sur la quantité de personnes souffrant du SII je ne dois pas être la seule à ne pas pouvoir supporter cet édulcorant
Le consensus général n’est a priori pas contre mais c’est tout à fait possible, si vous y êtes sensible inutile d’insister. Retour très intéressant, à voir si d’autres personnes plus tard feront un retour similaire. Bonne journée,