Il y a beaucoup de confusion sur ces termes, la différence est subtile mais importante.
1. L’allergie alimentaire
Qu’est-ce qui déclenche des allergies ?
- Dans l’aliment mangé, l’allergène est la plupart du temps une protéine, comme l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV). Les plus courants sont le lait, les crustacés, les œufs, le poisson, certaines céréales (blé, avoine…), le soja, les noix…
- Les symptômes peuvent être déclenchés par de très faibles quantités.
Symptômes des allergies alimentaires
- Difficultés respiratoires, asthme, nez qui coule, démangeaisons et apparition de plaques rouges (urticaire), gorge et lèvres qui enflent/sensation de brûlure. Cela peut aller jusqu’à un choc anaphylactique et donc à un risque mortel.
- Côté digestion, il est possible de constater des diarrhées, crampes abdominales, vomissements, nausées, mais les symptômes digestifs sont généralement moins graves que les autres.
Nombre de personnes touchées
Elles sont peu courantes : environ 1 personne sur 50 sont touchées.
Y a-t-il une réaction immunitaire ?
Oui, essentiellement la production d’anticorps, l’immunoglobine E (IgE).
Comment détecter une allergie alimentaire ?
La prise de sang permet généralement de détecter la présence de ces anticorps (IgE), permettant d’être sûr du diagnostic d’une allergie.
Même si cela n’est pas toujours aussi simple, vous pouvez voir ici comment une allergie aux protéines du lait de vache est diagnostiquée par exemple, il peut y avoir plusieurs étapes.
2. L’hypersensibilité alimentaire
Les hypersensitibilités alimentaires sont trop souvent oubliées, il est pourtant important de comprendre leurs différences avec les intolérances et les allergies, car elles empruntent beaucoup de similitudes à chacune.
- Elles se déclenchent de la même façon que les allergies, touchent les mêmes proportions de personnes, ont les mêmes symptômes, bien qu’il soit courant que ceux-ci se cantonnent au système digestif.
- Important : elles déclenchent elles aussi une réaction du système immunitaire, mais celle-ci est différente. Certains anticorps sont PARFOIS produits, mais pas les mêmes que pour l’allergie (cela peut être de l’IgA, IgG par exemple).
Comment détecter une hypersensibilité alimentaire ?
- La détection est compliquée. La prise de sang est parfois utile si certains anticorps sont produits, mais ce n’est souvent pas le cas.
- On peut également réaliser des tests intradermiques, appelés aussi prick-tests (une petite aiguille injecte la protéine alimentaire soupçonnée sous la peau). Problème : les réactions gastro-intestinales sont différentes des réactions de votre peau : ces tests ne permettent pas de conclure à une hypersensibilité qui ne fait réagir que vos intestins et pas votre derme.
- Seules l’éviction d’un aliment et une absence de symptômes peuvent confirmer l’hypersensibilité, mais cela peut prendre du temps.
3. L’intolérance alimentaire
Qu’est-ce qui déclenche des intolérances ?
Les fodmaps (qui sont tous des sucres, des glucides), sont un des nombreux coupables possibles.
La malabsorption du lactose par exemple est simplement dûe à une déficience en production de l’enzyme permettant de digérer le lactose (appelée lactase).
Quelle quantité déclenche des intolérances ?
Les réactions sont très différentes et dépendent beaucoup :
- du moment de la journée où l’aliment est ingéré,
- des autres aliments du même repas ou des autres repas de la journée
- et surtout de la quantité ingérée.
Des crises, des troubles mineurs ou l’absence de trouble pour le même ingrédient sont possibles. Oui, la nutrition est complexe : on ne mange jamais un ingrédient seul, les interactions qui se déroulent dans nos intestins peuvent faire entièrement varier le résultat.
Mais il faut comprendre qu’une allergie se déclenche souvent par une quantité très faible de l’aliment (moins d’un gramme), quand pour une intolérance le corps peut tolérer beaucoup plus (quelques grammes voire très souvent des dizaines de grammes ou de ml).
Symptômes des intolérances alimentaires
Principalement des troubles gastro-intestinaux (ballonnements, constipation, diarrhées, gaz, nausées), mais la fatigue ou des maux de tête sont également courants.
Nombre de personnes touchées
- Très courantes : environ 1 personne sur 5.
- Cela parait beaucoup, mais cela inclut les personnes pour qui les troubles sont mineurs (comme être un peu ballonné après un verre de lait), qui ne vont pas être très gênées.
Y a-t-il une réaction immunitaire ?
Non, aucune. Le corps ne se « défend » pas, il ne se considère pas attaqué. Ce paramètre est important pour bien comprendre la différence entre les trois.
Comment détecter une intolérance alimentaire ?
- La détection est compliquée. La prise de sang ne permet pas de diagnostiquer une intolérance vu qu’aucune production d’anticorps n’est détectable, puisqu’aucun ne sont produits et il n’y a rien d’autre à voir dans les marqueurs sanguins. Elle est cependant utile pour écarter une allergie ou une possible hypersensibilité.
- Seules l’éviction d’un aliment et une absence de symptômes peuvent confirmer l’intolérance, mais cela peut prendre du temps.
4. Autres informations importantes
- Ne pas confondre les 3 : le cas de l’hypersensibilité est complexe et vient brouiller les pistes. Si elles sont proches des allergies car elles ont les mêmes déclencheurs, symptômes et fréquence dans la population, elles produisent également une réaction immunitaire qui n’est pas une production d’anticorps, et est tout aussi compliquée à détecter qu’une intolérance.
- La réaction immunitaire ou son absence est ce qui permet la distinction entre les 3. S’il y a réaction immunitaire, c’est forcément une allergie ou une hypersensibilité. S’il y en a une, on va regarder s’il y a une production d’anticorps par une prise de sang. Si l’on détecte une production d’IgE, c’est forcément une allergie, sinon c’est une hypersensibilité (je simplifie car il y a quelques nuances, une « réaction immunitaire » ne se résume pas forcément à une production d’anticorps). S’il n’y en a pas, c’est une intolérance alimentaire.
- Le programme fodmaps est en plein dans les intolérances alimentaires, il ne s’adresse pas aux personnes allergiques ou hypersensibles (il est possible de cumuler mais cela reste rare). C’est bien à cause de cette absence de réaction immunitaire que le diagnostic par le corps médical, comme de la phase de réintroduction dans un régime fodmaps (phase 2), est si compliqué.
- Certaines personnes souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable peuvent également avoir une hypersensibilité alimentaire, mais les symptômes sont presque toujours dûs à une intolérance alimentaire.
- Parlons des cœliaques, les VRAIS allergiques au gluten 😜. Et bien justement non, ils ne sont pas techniquement considérés comme allergiques. S’ils produisent bien des anticorps, ce ne sont pas des IgE : ils sont donc classés comme des hypersensibles alimentaires (une hypersensibilité extrême, certes). Lors de leur diagnostic, on cherche la présence d’anticorps IgA et IgG dans leur sang. On estime que 5% des personnes atteintes d’un SII sont cœliaques (contre maximum 1% dans la population) (source 1).
Tableau comparatif
Voici le même contenu que ci-dessus sous un format tableau, je trouve la comparaison plus pratique des trois en fonction de critères précis :
5. Pour comprendre les différentes classifications
Il existe deux grandes classifications pour distinguer les allergies et hypersensibilités. Si vous creusez un peu le sujet sur internet ou ailleurs, vous pourriez ne pas comprendre et vous embrouiller.
Historiquement, la référence était la classification de Gell et Coombs, de 1963. Elle distingue 4 (voire 5) types d’hypersensibilités différentes.
La classification récente, de 2001, est celle de Johansson (également découvreur des IgE en 1969 !). Celle-ci est celle décrite ci-dessus, avec seulement 3 types d’hypersensibilités.
Tout est médicalement appelé une « hypersensibilité » selon cette classification, mais pour des besoins de vulgarisation, j’ai adopté les termes d’allergie, hypersensibilité et intolérance, correspondant aux trois hypersensibilités décrites.
Nom « grand public » | Allergie | Hypersensibilité | Intolérance |
Réaction immunitaire | Oui | Oui | Non |
Nom selon la typologie Johansson (2001) | Hypersensibilité allergique IgE dépendante | Hypersensibilité allergique non-IgE dépendante | Hypersensibilité non allergique non immunologique |
Dans la typologie Gell & Coombs (1963) | Type I | Type II, III, IV | L’intolérance n’est pas couverte dans la classification de Gell & Coombs. |
Nous parlerons très prochainement des tests concernant les allergies et les intolérances alimentaires.
Pour finir sur une note plus légère
Si vous parlez un peu anglais, cette chanson est une vraie perle (sous-titres dans la vidéo) :
7 millions de vues !
Il faut bien des Norvégiens, en avance sur pas mal de sujets de sociétés, pour faire un clip et une chanson pareille !
Mieux vaut rire de nos problèmes je crois 😅
Sources
Outre cette étude de 2012 « Celiac disease: Prevalence, diagnosis, pathogenesis and treatment » utilisée (source 1), la référence qui m’a permis de compiler cet article est ma bible, le livre des Dr Shepherd et Gibson (découvreurs des fodmaps), « Le programme fodmaps », p.14 à 17 (2016). Ils ont sorti une édition plus à jour de ce livre que je vous recommande fortement.
Les classifications d’hypersensibilité de Gell et Coombs (1963) sont expliquées sur cette page Wikipedia, celle de Johansson ici (papier de recherche original de 2001) et là (mise à jour : aïe, ce document n’est plus accessible et je n’avais pas fait de copie, je vais voir si je peux le récupérer), cours plus facilement compréhensible sur les hypersensibilités de l’Université Numérique Francophone des Sciences de la Santé et du Sport.