Article écrit par Emmanuel et relu et validé par le Dr Chabane, de la Société Française d’Allergologie. Mis à jour en avril 2024.
De quoi parle-t-on ?
Des tests vendus par des laboratoires privés, quelques noms reviennent souvent : un laboratoire allemand bien implanté en France commercialisant Im….., un laboratoire parisien Z……, un laboratoire B….. à Metz etc.
Ceux-là font leurs tests après une prise de sang.
Mais certains analysent un échantillon de vos cheveux.
Je vous laisse googler « test intolérance alimentaire IgG » par exemple, vous les trouverez facilement. Mais si vous êtes là, c’est que vous en avez certainement déjà entendu parler.
Coût des tests allergies alimentaires
Entre 30-60€ pour la version capillaire, comptez entre 100 et 500 € pour la version sanguine.
Remboursés ni par la Sécurité Sociale, ni par les mutuelles.
Un exemple de ce que l’on peut trouver sur internet pour parler de ces tests :
Soyons clairs, cette vidéo est un condensé de ce qui est tout faux et de ce que l’on retrouve souvent concernant les intolérances. J’espère que c’est par ignorance.
Non, les intolérances ne sont pas détectées par prise de sang, non, les intolérances ne produisent pas d’IgG. (Re)lisez mon article sur les différences entre les allergies, les intolérances et l’hypersensibilité, il est crucial de bien les comprendre pour suivre la suite de cet article et comment fonctionnent ces tests.
Grosse confusion
Justement, ces tests utilisent ces trois termes de façons très… libre dirons-nous. Ils mélangent tout, parfois font des précisions pour les distinguer, parfois les utilisent comme si c’étaient des synonymes. Tout est fait pour noyer le poisson et je pense qu’ils en abusent sciemment. Plus ça paraît scientifique, moins on comprend, plus on est censé leur faire confiance, non ?
À leur décharge, il est très compliqué de faire un pont entre les termes employés par le grand public et les termes médicaux, qui empruntent à plusieurs classifications, (« l’ancienne », celle de Gell et Coombs, de 1963, ou « la récente », celle de Johansson de 2001).
Ils se réfèrent souvent à « l’ancienne » typologie de 1963, qui se découpe en 4 types d’hypersensibilités.
Ils vous disent bien qu’ils se focalisent sur le type III. Ce qui correspond à la colonne centrale du tableau ci-dessus, ou l’hypersensibilité allergique non-IgE dépendante selon la classification de 2001.
Ils se moquent de nous ?
Pourtant, il est écrit partout sur leurs sites que leurs tests sont pour les « allergies alimentaires ». Mais quand on reçoit leur compte rendu, tout à coup ils préviennent qu’ils ne testent pas les allergies (IgE) :
Ils entretiennent donc savamment la confusion et tordent le concept dans le sens qui les arrangent.
Je suppose que le terme « allergie » est plus vendeur, bien que plus éloigné de la réalité.
Mais c’est bien là tout le problème
Ce qui vous intéresse, ce sont les intolérances alimentaires, pas les allergies. Ils ne se privent pas pour utiliser ce vocable d’ailleurs. Or les intolérances alimentaires NE PEUVENT PAS être détectées par une prise de sang car ne génèrent pas de production d’IgG (un anticorps).
Consensus mondial CONTRE ces tests
La Société Française d’Allergologie (SFA), la Société Suisse d’Immunologie et d’Allergologie (SSAI), l’Académie Européenne d’Allergologie et d’Immunologie Clinique (EAACI), l’Académie Américaine de l’Allergie, de l’Asthme et de l’Immunologie (AAAAI), et la Société Canadienne d’Allergologie et d’Immunologie Clinique (CSACI) ont mis en garde CONTRE l’utilisation de ces tests.
Ces institutions représentant les plus hauts niveaux de connaissances côté allergies et intolérances de chaque pays, il est difficile de faire plus clair niveau consensus.
C’est tout, fin de partie, il n’y a rien de plus à savoir. Ces tests n’ont aucune base scientifique, il y a un consensus médical mondial là-dessus.
- La Société Française d’Allergologie fait sa mise en garde à ce sujet dans cette note si cela vous intéresse de creuser.
- L’ordre des médecins (France) a suspendu temporairement un des leurs en 2013 pour avoir fait la promotion de ces tests, pour le motif que ce bilan sanguin est « scientifiquement non fondé, médicalement sans intérêt et potentiellement dangereux ».
- La société canadienne de gastro-entérologie vient de publier (octobre 2019) ses recommandations pour le traitement des colopathies fonctionnelles (intestin irritable) : elle écrit très clairement que ces tests ne sont pas recommandés.
- Testing for IgG4 against foods is not recommended as a diagnostic tool (2008) papier de recherche du genre costaud :
De nombreux échantillons de sérum montrent des résultats positifs d’IgG4 sans symptômes cliniques correspondants. Ces résultats, combinés au manque de preuves convaincantes de propriétés libératrices d’histamine de l’IgG4 chez l’homme, et à l’absence d’études contrôlées sur la valeur diagnostique du test IgG4 dans les allergies alimentaires, ne fournissent aucune base pour l’hypothèse selon laquelle l’IgG4 spécifique des aliments devrait être attribuée à un rôle effecteur dans l’hypersensibilité alimentaire.
En conclusion, l’IgG4 spécifique des aliments n’indique pas une allergie ou une intolérance alimentaire (imminente), mais plutôt une réponse physiologique du système immunitaire après exposition aux composants alimentaires. Par conséquent, le test de l’IgG4 pour les aliments est considéré comme non pertinent pour le diagnostic d’allergies ou d’intolérances alimentaires en laboratoire et ne doit pas être effectué en cas de plaintes liées à l’alimentation.
- Ou cet article plus simple de la BBC (en anglais) : « Do home allergy and intolerance tests work?«
- Ou cet article de recherche également, co-écrit par le découvreur des fodmaps Peter Gibson :
Les IgG pour les allergènes alimentaires […] étaient déficients dans une ou plus des zones de validités analytiques, applications cliniques, validité et usages de standards éthiques. […] [Ils manquent] de fiabilité et d’applications cliniques directes et ne doivent pas être recommandés pour la recherche de symptômes gastro-intestinaux.
Allez, un exemple très simple à comprendre : l’intolérance au lactose est liée à une déficience de production de l’enzyme (appelée lactase) qui vient digérer le lactose. En aucun cas une intolérance au lactose n’est détectée par la production d’IgG ! Et le lait de vache est bien dans la liste des ingrédients qu’ils testent !
Capital a sorti un article en 2015 titré Tests d’intolérances alimentaires : les labos ont leur attrape-gogo dont je vous recommande la lecture, car il contient quelques passages et informations croustillantes.
Très en vogue, les tests sanguins dits «IgG» identifient les aliments à bannir de son régime. Problème : ils coûtent un bras et n’ont aucune base scientifique sérieuse.
Écoutez plutôt des professionnels sérieux, comme Sandra, diététicienne-nutritioniste intervenant sur notre groupe Fodmap France en réponse à quelqu’un souhaitant faire ces tests pour des allergies :
Les allergies sont liées aux IgE. Aucunement aux IgG, c’est juste payer bien cher un test qui n’a aucune valeur scientifique. Je vous conseillerais plutôt de vérifier que vous avez bien réduit tous les fodmaps (beaucoup de listes ont des erreurs) et de travailler sur les facteurs augmentant les symptômes (stress, tabac, café etc…).
Ou Blanche que vous connaissez certainement si vous vous êtes intéressés aux fodmaps. En s’adressant à ses collègues diététiciens, voici ce qu’elle écrit :
[vous avez peut-être proposé] à vos patients de faire des tests sanguins d’intolérances alimentaires qui leur coûtent très cher, leurs diagnostiquent une intolérance à une vingtaine d’aliments alors que la majorité ne leur donne aucun symptômes. Vous voyez alors vos patients diminuer encore plus la variété de leur alimentation. Pourtant, la science n’a pas prouvé leur véracité et même le contraire.
Blanche Vidal Soler
Le danger : se priver inutilement
Blanche touche ici du doigt un autre problème majeur de l’analyse des résultats de ces tests, surtout si vous êtes dans un régime déjà restrictif par ailleurs.
Se priver tout à coup de merlan, maïs, miel ou concombre va réduire vos choix et vos apports nutritifs. C’est au mieux inutile, au pire provoquera des carences en fonction de ce sur quoi l’interdiction tombe et affaiblira votre microbiote, ce qui a de grandes chances d’aggraver vos troubles digestifs.
Le marketing de ces tests
Certains labos ont même des « influenceurs » pour générer du contenu parlant de leurs tests. Intéressant de voir que même ce Youtubeur (sponsorisé ?) est surpris des résultats, on lui dit que le miel est un problème pour lui et avoue en consommer régulièrement sans problème, ou le lait qu’il ne digère pas mais qui n’est pas détecté ici.
On est bien d’accord, ce test n’est donc pas adapté pour l’intolérance au lactose. C’est simplement la première intolérance et de très loin (30% des Français déclarent en souffrir), mais cela n’est pas grave s’ils passent à côté, ce n’est pas comme s’ils prétendaient détecter vos intolérances alimentaires.
La fin de la vidéo est une perle. « Il y a des aliments qui me provoquent des troubles digestifs comme les lentilles, le radis. Ces aliments-là n’ont pas [chez moi] un taux d’IgG élevé. Ce qui est donc clair c’est qu’une mauvaise digestibilité de l’aliment n’est donc pas liée à un IgG élevé.«
Et je suis tout à fait d’accord avec lui !
100% de succès
J’ai demandé à mon allergologue ce qu’il pensait de ces tests et m’a confirmé qu’ils n’étaient ni fiables ni recommandables et qu’il luttait contre ces tests. Il me dit avoir vu des centaines de patients qui ont fait ces tests de leur côté : pas un seul n’a reçu une réponse négative, tous ont reçu des analyses indiquant qu’ils étaient intolérants à plusieurs ingrédients.
Pas un seul client à qui l’on dit « non, c’est bon pour vous, vous n’avez pas de problème d’intolérance », ils trouvent toujours quelque chose. Il est vrai que l’échantillon de base de ces patients est constitué de personnes qui suspectent des intolérances, mais aucun test scientifique sérieux n’a un taux de succès de 100% comme ici.
C’est révélateur du « système » et pour lui fait partie de leur marketing : vous faites le test, on vous dit que vous êtes allergique / intolérant, vous êtes content(e) car vous avez une réponse concrète, quelque chose sur quoi vous appuyer pour éviter des troubles. Vous en parlez à vos ami(e)s qui vont faire le test à leur tour : bingo 💶.
Ce taux de 100% s’explique car la présence d’IgG anti-aliments est un phénomène normal pour tous les humains. Lorsque notre corps est « exposé » à un nouvel aliment (généralement en étant enfant), il va produire ces IgG. En avoir dans son sang signifie simplement que l’on a été exposé dans sa vie à tel ou tel aliment, en aucun cas que l’on y est intolérant. Si vous voulez creuser ce sujet, lisez cet article.
En résumé
- Ces tests sanguins analysant les IgG comme les tests basés sur les cheveux n’ont aucune efficacité prouvée, aucune base scientifique et sont récusés mondialement par la communauté scientifique.
- En aucun cas ils ne peuvent détecter des intolérances (qui ne génèrent pas d’IgG), ni d’allergies (qui génèrent des IgE, non analysées par ces tests).
- Si vous pensez souffrir d’une allergie alimentaire (au sens du type 1 de la typologie de Gell & Coombs), celle qui déclenche une production d’IgE, là oui, cela est détectable par prise de sang. Parlez-en à votre médecin généraliste qui vous prescrira une ordonnance pour aller voir un allergologue. Et vous serez – partiellement – remboursé.
- Pour le reste, gardez votre argent !
- Un « professionnel » vous a recommandé ces tests ? Arrêtez de le consulter et remettez en cause ses autres conseils.
Oui, moi aussi j’aurais bien aimé qu’une simple prise de sang m’indique mes intolérances, malheureusement cela n’est pas possible. 😢
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Les solutions pour détecter ses intolérances
Il existe au final trois méthodes valables :
- Pour le lactose, fructose, glucose et sorbitol, vous pouvez réaliser un test respiratoire à l’hydrogène en CHU, cliquez sur le lien pour voir mon article à ce sujet.
- Pour l’intolérance au gluten, celle qui correspond à la maladie cœliaque, une prise de sang venant chercher la présence d’anticorps spécifiques (IgA) existe, fonctionne très bien et est remboursée.
- Pour toute autre suspicion d’intolérance : seul reste l’essai / erreur. À vous de tester des ingrédients et d’isoler des symptômes, mais les attribuer à un ingrédient ou une famille d’ingrédient est compliqué, c’est un processus long et difficile. Nous n’avons malheureusement pas d’autre choix en l’état actuel de la science.
J’espère que c’est désormais plus clair pour vous !
PS : j’ai reçu mon kit d’un de ces labos
J’ai contacté plusieurs labos disant que j’aimerais avoir des informations pour les tests des intolérances, et l’un deux m’a fait parvenir son kit pour que je leur renvoie ma prise de sang.
C’est un laboratoire parisien ayant pignon sur rue, testant 221 aliments pour 185€.
On voit la qualité et l’attention qu’ils portent à leur service : non seulement ils envoient un tube fragile dans une simple enveloppe kraft, qui est arrivée cassée, mais il n’y a aucune instruction !
Concrètement si j’avais réellement voulu faire ce test, je n’aurais pas su comment procéder. Je suppose qu’il faut aller dans un laboratoire près de chez moi pour remplir leur tube et le leur renvoyer, mais il n’y a rien de plus que cette simple feuille A4 contenant… leurs prix !
Je trouve ça fou.
PPS : la défense de ces labos sur leur méthodologie
J’affinerai cette section au fur et à mesure de mes recherches car je sens que la discussion est loin d’être finie.
J’ai trouvé sous cette vidéo critique sur les tests sanguins (je ne cautionne pas tout ce qu’elle dit pour autant), un commentaire du labo qui écrit officiellement et dessine leur ligne de défense :
Tous les aliments qui ont des IgG élevés ne sont pas forcément générateurs de symptômes, mais pour ça le protocole permet de faire le tri, de manière à ne supprimer sur le long terme (un an ou deux en général) que les aliments dits ‘déclencheurs’ c’est-à-dire pro-inflammatoires.
Cela m’a intrigué, j’ai creusé et en fait le protocole qu’ils recommandent de suivre est en deux étapes :
- Exclusion de tous les aliments considérés comme « déclencheurs » par leur test.
- Puis, période de « provocation » : réintroduire un par un ces aliments et voir si les symptômes reviennent ou pas. Si non, les réintroduire définitivement.
Conclusion : ils reconnaissent par la nature même de ce protocole que les aliments détectés initialement par un IgG élevé ne sont pas pour eux forcément déclencheurs de symptômes, il faut tester et réintroduire certains aliments en fonction des résultats.
Donc l’IgG ne serait pas révélateur d’une intolérance ? Quelle surprise…
Merci au docteur Chabane qui a eu la gentillesse de relire cet article et de valider son contenu. Sachant qu’il est la personne de référence à ce sujet au sein de la Société Française d’Allergologie, je crois qu’il maîtrise le sujet !
Sources utilisées
- Les dosages d’IgG anti-aliments : méthodes et pertinence clinique des résultats. Position du groupe de travail de biologie de la Société française d’allergologie (avril 2018)
- Afdiag : « Que penser de l’analyse des IgG anti-aliments ?«
- Article Capital : Tests d’intolérances alimentaires : les labos ont leur attrape-gogo (2015)
- BBC « Do home allergy and intolerance tests work?«
- Anses : INCA 3 : Evolution des habitudes et modes de consommation, de nouveaux enjeux en matière de sécurité sanitaire et de nutrition (juillet 2017)
- Alternative investigations for irritable bowel syndrome (octobre 2012) Article co-signé par Peter Gibson.
- Conseil national de l’ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 19 avril 2013, n° 11386
- Canadian Association of Gastroenterology Clinical Practice Guideline for the Management of Irritable Bowel Syndrome (IBS) (avril 2019)
- Testing for IgG4 against foods is not recommended as a diagnostic tool (2008)