De quoi parle-t-on ? Quel est le but de ce test ?
Un test respiratoire à l’hydrogène, également appelé test à l’hydrogène expiré, ou test respiratoire à l’H2, ou HBT pour Hydrogen Breath Test en anglais, est utilisé pour diagnostiquer :
- Une intolérance au lactose, au fructose ou à certains polyols comme le sorbitol (qui sont tous des fodmaps). Ces tests sont pertinents pour des personnes souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable par exemple (mais pas seulement).
- Un SIBO (la pullulation bactérienne intestinale, ou colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle), par le test du glucose.
Comment ça marche (scientifiquement)
Concrètement, on vous fait ingérer une substance contenant ce que l’on souhaite tester (glucose, lactose…) et l’on mesure dans l’air que vous expirez la concentration en hydrogène et en méthane. Si les taux d’hydrogène et de méthane restent stables, cela signifie que vous absorbez bien le glucide testé.
Mais s’ils augmentent, cela signifie que ces sucres sont fermentés par les bactéries de votre intestin, que celui-ci ne fait pas correctement son travail qui doit être de les absorber.
Dans ce cas, une partie de l’hydrogène généré par la fermentation passe dans le sang par votre muqueuse intestinale, puis l’amène jusqu’aux poumons, qui le mélangent à l’air que vous expirez (source 1).
Est-ce fiable ?
Ces tests sont relativement fiables, car à l’inverse des tests pour les allergies et intolérances alimentaires par analyse sanguine dont j’ai déjà parlé (IgG), le test respiratoire à l’hydrogène repose sur des données et un protocole scientifiquement validés et reconnus.
Pour autant, ils ont quelques limites et sont remis en cause par certains scientifiques (sources 2, 3, 5) :
- Les tests ne sont pas réalisés de la même façon partout, les protocoles et les machines utilisés peuvent varier.
- De fait, les méthodes d’interprétation des résultats ne sont pas uniformes, ce qui pose un problème de taille. Cela est essentiellement dû au fait qu’il manque des standards communs, aussi bien dans les volumes de sucres administrés que les seuils retenus pour décréter que les résultats sortent de la normalité ou non (source 5).
- Certaines personnes ne vont produire que de l’hydrogène en cas d’intolérance, d’autres que du méthane, d’autres un mix des deux et certains n’en produisent aucun, mais sont pourtant intolérants. La méthode actuelle peut donc donner de faux négatifs (source 4). Dans d’autres termes, un test négatif ne permet pas d’exclure une intolérance avec malabsorption ou une pullulation microbienne.
Le point de vue des sociétés scientifiques de gastro-entérologie des trois pays suivants est plus tranché et contradictoire au final :
- Etats-Unis : « Un SIBO peut être évalué par la culture du jejunal aspirate [jejunal= partie centrale de l’intestin grêle] ou par un test respiratoire à l’hydrogène, préférablement celui au glucose. » (source 6)
- Royaume-Uni : « Les tests suivants ne sont pas nécessaires pour confirmer le diagnostic pour les personnes préalablement diagnostiquées d’un SII : […] tests respiratoires à l’hydrogène (pour l’intolérance au lactose et pour le SIBO)« .
- France : tests non recommandés (!). Les Dr Jean-Marc Sabaté et Pauline Jouët, à l’origine de cette recommandation pour la Société Nationale Française de Gastro-Entérologie considèrent que les limites évoquées ci-dessus ne rendent pas le diagnostic assez fiable.
Il y a l’air d’avoir un consensus cependant pour dire que le test au lactulose est nettement moins efficace, mais de ce que j’ai pu voir, peu le pratiquent. Préférez donc celui au glucose si jamais vous avez le choix.
Où réaliser un test respiratoire à l’hydrogène (H2)?
En France, ce test se réalise essentiellement en CHU, avec une ordonnance d’un gastro-entérologue.
C’est donc un test très contrôlé et très encadré, même si visiblement certains gastroentérologues et de nombreux naturopathes le pratiquent également en cabinet, par de petites machines portables dont la fiabilité est très critiquée.
Je ne peux que vous recommander d’effectuer votre test en CHU.
Dans d’autres pays, il peut se pratiquer dans des laboratoires privés en plus de structures hospitalières.
Il est également possible de faire cela à domicile en soufflant dans des poches spéciales et de les envoyer par la poste pour analyse, mais cela n’est pas pratiqué en France à ma connaissance. L’Université de Monash en Australie propose ce service à distance pour un coût de 85 dollars australiens par exemple.
Belgique, Suisse, Canada : si vous avez l’information, merci de me la donner en commentaire, j’enrichirai mon article.
Délais pour obtenir un rendez-vous
En France, les témoignages concordent pour dire qu’il faut prendre son mal en patience. Naïra nous parle de 8 mois à un an de délai à Rouen, Camille évoque 6 mois à Montpellier pour obtenir son rendez-vous.
Comment se préparer avant le test ?
Les médicaments et la nourriture sont contraints les jours précédents, voici les indications données par le CHU de Rouen, tel que raconté par Naïra, une patiente qui a subi le test :
Au préalable, pour ne pas fausser les résultats des tests, vous ne devez pas avoir pris d’antibiotiques durant les trois semaines précédentes et suivre un régime sans résidu strict et ne contenant aucun des sucres testés pendant 48 heures. Pour faire simple, vous n’avez droit qu’au :
– Riz, pâtes et pommes de terre
– Viandes, œufs et poissons
– Toutes les huiles
– Un filet de citron et un peu de vinaigre
Pour le repas du soir précédant l’examen, vous vous contentez de riz, de viande à volonté, à l’exclusion de tout autre chose. De 20h à minuit, vous avez le droit de boire de l’eau. Ensuite, vous devez rester strictement à jeun, sans fumer… et être très attentif à votre hygiène dentaire. En effet, il est important de bien se laver les dents, surtout après le repas du soir précédant l’examen et le matin des tests puisque les bactéries, présentes dans la bouche de tout le monde, commencent à digérer les sucres que vous aurez à boire durant l’examen, ce qui peut fausser les résultats.
Voici les conseils donnés par un laboratoire québecois pour la préparation aux tests, proches de ceux indiqués ci-dessus mais avec ses variantes.
Il est également souvent demandé de cesser le maximum de médicaments non indispensables pour ne pas fausser les tests également.
Monash en Australie demande d’éviter tout antibiotique et probiotique les 2 semaines précédents le test. Dans les 24h précédant le test, ils demandent également de ne pas prendre de vitamines, minéraux, laxatifs, ou antidiarrhéique (comme l’Imodium).
Sur un tout autre aspect, ce(s) test(s) durent des heures : prévoyez de quoi vous occuper ! Livres, batterie à bloc sur le téléphone, voire ordinateur ou autre pour travailler ou regarder des films, car vous allez passer du temps en salle d’attente.
Comment se passe le test ?
Camille explique son test du lactose (réalisé à Montpellier) :
Le principe est simple. On boit 25 grammes de lactose et on mesure toutes les 30 minutes pendant une demi-journée la quantité d’hydrogène expiré.
En fait, il y a différents protocoles et différentes machines utilisées en fonction d’où vous faites le test.
Naïra explique comment se sont passés les trois tests qu’elle a fait sur deux jours (glucose puis fructose puis lactose) :
Le jour de l’examen, dès 8h, vous êtes pris en charge par une équipe de médecins (surtout des internes) qui vous expliquent de nouveau le protocole, s’assure que vous avez bien suivi le régime et s’enquièrent de votre état de santé (si vous avez des symptômes digestifs notamment). Ensuite, ils vous conduisent dans une petite salle d’examen où vous devez vous rincer la bouche avec un antiseptique. Quelques minutes plus tard, on vous fera souffler dans un embout relié à un analyseur afin de mesurer la quantité d’hydrogène que vous expirez à jeun. Cette mesure servira ensuite d’étalon pour l’analyse des tests qui vont suivre.
On vous fait donc ingérer une dose qui est proportionnelle à votre poids de glucose pur. On vous conduit ensuit dans une « salle d’attente » où pendant 2h et tous les quarts d’heure, un interne vous apportera un sac avec embout (à usage unique) où vous soufflerez profondément. On vous remet également un formulaire pour noter les éventuels symptômes que vous pourriez avoir. Durant ce temps, vous êtes reçu par un médecin pour faire le point sur ce qui vous a emmené à faire ces tests, les traitements que vous prenez, vos autres problèmes de santé etc. On vous remet aussi une tablette pour répondre à des questionnaires qui vont déterminer notamment si vous rentrez dans la classification Rome IV (qui définit les critères pour diagnostiquer un SII) et la sévérité de la maladie/trouble (score de Francis). Si à la fin de ces deux heures, l’analyse de vos « sacs » se révèle positive alors vous arrêtez le protocole, on vous délivre une ordonnance d’antibiotiques et vous repartez chez vous.
Cela n’a pas été mon cas donc j’ai entamé le second test, celui du fructose. Le protocole est le même ; retour dans la petite salle où l’on vous fait ingérer une certaine dose de fructose puis pendant cinq heures, un interne vient vous faire souffler dans un sac toutes les 15 minutes. Pour moi c’est le test le plus dur. Pas par rapport au sucre testé mais parce que cela fait un bon bout de temps que vous êtes à jeun et donc au bout de quelques heures supplémentaires, j’étais vraiment mal (surement une petite hypoglycémie). Mais cela a finit par passer. A la fin du test, on vous sert un petit repas succinct et vous rentrez chez vous. Il faut continuer à respecter le régime sans résidu et être à jeun, à partir de 20h.
Le lendemain, retour à l’hôpital, à 10h, pour le troisième et dernier test : celui du lactose. Même protocole, ce test dure 5 heures. Au terme de ce temps, on vous conduit à la cuisine, on vous sert un repas, on vous donne les résultats des deux tests d’intolérance et si au moins l’un des deux est positif, l’on vous donne une feuille de conseils avec notamment les aliments à éviter (forts en sucre concerné). Pour moi, le test au lactose était positif. Des résultats plus détaillés avec un compte-rendu seront envoyés à votre médecin prescripteur et à votre domicile.
Cet exemple est la façon de faire du CHU de Rouen. En Australie, chaque test mené par l’Université de Monash dure 3h mais un seul est testé à la fois, les autres doivent absolument être menés sur des jours différents, avec au minimum un jour de pause, mais dans les 30 jours du test initial réalisé (le test qui sert d’étalon).
Est-ce que ça vaut le coup ?
Camille, concernant son test au lactose :
Si j’avais su que c’était juste ça, j’aurais bu 2-3 verres de lait chez moi pour vérifier. Bref, je me doutais bien que je n’avais pas d’intolérance au lactose et le test le confirme.
Le lactose est effectivement le test le plus facile à mener soit même. Etant l’intolérance n°1 citée par les français, vous pourriez déjà être fixé en sachant que vous n’avez aucun problème, ou qu’au contraire vous y êtes particulièrement sensible. La vraie question est de connaître sa propre tolérance (jusqu’à combien de lactose ingéré cela « passe »), mais cela est une affaire d’essai/erreur personnelle, aucune aide extérieure ne peut vous aider à la définir.
Du coup, attendre six mois pour effectuer simplement ce test ne vaut peut-être pas le coup. Si comme Naïra vous prévoyez le glucose et / ou le fructose en plus, ou que vous n’avez pas de réponse claire concernant le lactose, cela peut être intéressant.
Naïra qui a fait les trois tests :
Selon moi, ces tests sont intéressants, d’abord pour écarter voire mettre en évidence la prolifération bactérienne (SIBO). Ensuite, parce qu’ils sont reconnus scientifiquement et donc ils objectivent ce que vous vivez et vous avez enfin un document officiel, donc incontestable, qui note noir sur blanc que vous êtes intolérant (ou non) à tel sucre. Cela évite aussi de perdre son temps sur ces sucres avec un régime d’élimination qui est parfois compliqué pour déterminer quel sucre vous pose un problème.
Le hic est si votre problème n’est pas seulement une ou des intolérances mais que vous souffrez par ailleurs d’un trouble fonctionnel ou d’une maladie digestive, cela ne va pas tellement vous faire avancer sur ce plan.
Autre argument en faveur de ce test (Naïra toujours) :
Les questionnaires remplis sur la tablette ont aussi leur intérêt. Le ROME IV est un diagnostic tout aussi reconnu et le score Francis aussi. Ils servent non seulement à objectiver votre diagnostic mais aussi son intensité. Avec le compte-rendu, vous avez donc un document qui écrit noir sur blanc votre diagnostic et l’intensité de votre maladie/trouble fonctionnel. C’est une reconnaissance scientifique et officielle de la réalité physique de cette dernière et de son retentissement sur votre vie. Grâce à lui, on ne peut plus dire que « c’est dans votre tête ». Il peut servir de base de dialogue par la suite avec un médecin.
Combien coûte un test à l’hydrogène ?
Si vous le faites en CHU, que vous êtes envoyé(e) par votre gastro-entérologue, cela est entièrement pris en charge par l’Assurance Maladie.
Si vous le faites par un naturopathe (ce que je déconseille fortement car le matériel utilisé et le protocole suivi ne peuvent être au niveau de ceux des CHU), le coût est variable mais est entièrement à votre charge (au moins 80€).
Ce test respiratoire à l’hydrogène a-t-il des effets indésirables ?
Si vous êtes intolérant à la substance testée (lactose, fructose…), vous subirez les troubles digestifs que vous connaissez peut-être déjà (diarrhée, constipation, gaz, ballonnements…), mais l’examen en lui même est sans risque.
A vous de voir si vous voulez savoir une bonne fois pour toutes et si vous êtes prêt(e) à subir en échange quelques heures ou jours de troubles digestifs.
Si vous êtes de type D et que vos troubles sont forts, alors en cas d’accident, prévoyez des vêtements de rechange au cas où, voire même prévoyez une protection, comme une culotte pour incontinents. Peut-être que cela ne vous sera pas utile, mais si besoin, vous serez TRES content(e) de l’avoir.
Un exemple de résultat de test
Voici ce que l’université de Monash (Melbourne) fournit, c’est en anglais mais cela tient sur une page.
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Si vous êtes diabétique
Attention, le test du glucose (utile pour diagnostiquer un SIBO) ne peut a priori pas être mené si vous êtes diabétique.
Parlez-en à votre médecin, en adaptant votre traitement à l’insuline, c’est parfois envisageable, mais il faut que votre médecin et la structure qui réalise le test soient tous d’accord et au courant.
Foodmarble, une révolution ?
J’ai découvert Foodmarble, une startup dublinoise qui commercialise une petite machine portable permettant de réaliser ses tests de l’hydrogène expiré chez soi, pour 169€.
Je n’ai pas d’avis définitif à leur sujet, il faut que je creuse plus, mais la promesse est très belle. Soit c’est une petite révolution car ils ont réellement réussi à miniaturiser la technologie des tests respiratoires à l’hydrogène réalisés en hôpitaux, et le mettent à disposition du grand public avec la même fiabilité.
Soit on est très loin de la fiabilité des tests en hôpitaux et cela peut donner de mauvaises indications, ce qui peut être dangereux pour nous (faire la croix sur des ingrédients qui ne nous sont pas néfastes, favorisant des carences, ou l’inverse).
Je vous avoue pour l’instant être très sceptique et cela me rappelle les tests d’intolérances alimentaires sanguins avec une promesse qui est mensongère, car Foodmarble prétend pouvoir détecter les différences entre une courgette et des échalotes. Je n’ai pas d’avis définitif sur la question, je prévois de creuser et je mettrai à jour cet article, mais disons que par précaution, je préfère les éviter.
MISE A JOUR janvier 2024 : cela fait maintenant quatre ans que j’ai écrit cet article, et depuis je n’ai pas entendu une seule fois une quelconque autorité de santé fiable recommander l’utilisation de cet appareil.
Sources
Outre les quelques liens insérés directement dans l’article, voici les principales ressources qui m’ont été utiles pour rédiger cet article :
- Source 1 : le livre des Dr Shepherd et Gibson (découvreurs des fodmaps), « Le programme fodmaps », p.53 (2016). Ils ont sorti une édition plus à jour de ce livre que je vous recommande fortement.
- Source 2 : « How to Interpret Hydrogen Breath Tests » par Uday C Ghoshal, magazine Neurogastroenterol Motil, vol. 17, n°3, juillet 2011, p.312-317.
- Source 3 : « Use and abuse of hydrogen breath tests », par M. Simrén and P-O. Stotzer, magazine Gut, vol. 55, n°3, 2006, p. 297–303.
- Source 4 : Hydrogen breath test (article Wikipedia)
- Source 5 : conférence du Dr Pauline Jouët, gastroentérologue à l’hôpital Ambroise-Paré, du 27 septembre 2019 lors de la journée nationale APSSII, « Point sur le SIBO ».
- Source 6 : « Bowel disorders », Lacy, Gastroenterology, 2016.
Un grand merci à Naïra et Camille dont les témoignages m’ont permis d’enrichir cet article.