Ou comment Fodmapedia a revu des dizaines d’aliments dans sa base de données
De nouveaux tests menés par l’Université de Monash révèlent que les fraises et les raisins, historiquement connus pour être sans fodmaps, sont désormais faibles à riches en fodmaps en fonction des quantités.
À l’inverse, les poireaux ont désormais des teneurs en fodmaps beaucoup plus faibles qu’avant : la partie verte du poireau n’a plus de limite et la partie blanche est même faible en fodmaps en petite quantité.
Les tomates et les poivrons ont également été entièrement revus, passant de faibles à potentiellement riches en fodmaps.
Dois-je également vous dire que certains légumes ont même changé de catégorie de fodmap ? Par exemple, les tomates cerises pouvaient être riches en fructanes, maintenant c’est en fructose, et plus de notion de fructanes.
Non, nous ne sommes pas le 1er avril
Je vous promets que cela se tient scientifiquement, mais vous avez certainement envie de comprendre comment cela est possible, et concrètement ce que cela change pour vous, car les implications sont loin d’être neutres.
Ce qui a changé
Pourquoi ?
La vraie question derrière est, quels sont les facteurs qui influent sur la teneur en fodmaps d’un aliment.
Vous le savez peut-être mais les indications fournies par Monash sur les limites et les poids ne sont que des moyennes d’aliments produits et achetés dans différentes conditions. J’expliquais ici en détail comment est déterminée la teneur en fodmaps des aliments.
Voici différents facteurs pouvant influencer la teneur en fodmaps :
Les variétés sélectionnées
Des fraises gariguettes et des maras des bois plantées dans le même champ et traitées exactement de la même façon jusqu’à votre consommation auront des teneurs en fodmaps différentes.
La sélection des variétés utilisées a tendance à être influencée par les choix des consommateurs qui vont trouver plus goûtue telle ou telle variété. Les producteurs vont également privilégier des variétés plus résistantes aux maladies et aux évolutions du climat (qui demandent moins d’eau ou d’entretien par exemple). Certaines variétés sont donc laissées de côté au profit d’autres, anciennes ou nouvelles que l’on « crée ».
Des différences de climats
La nature des sols, la quantité de soleil et d’eau apportés naturellement a un impact important.
Des méthodes agricoles différentes
Une gariguette bretonne cultivée de façon raisonnée en plein champ sera très différente d’une fraise cultivée en serre sous le soleil d’Andalousie à qui l’on a donné de nombreux engrais et pesticides.
Les conditions de récolte, stockage et de transport
Le kiwi néo-zélandais cueilli non mûr et qui mûri pendant des semaines dans un conteneur n’aura pas du tout les mêmes propriétés qu’un kiwi produit localement et qui se sera gorgé de soleil jusqu’au bout.
De très nombreux fruits et légumes sont conservés au froid pendant parfois des mois jusqu’à quelques jours avant leur vente. Pensez surtout à tout ce qui n’est pas produit localement et qui peut venir de l’autre bout de la planète (avocats, banane, ananas, mangues…), mais ce ne sont pas les seuls.
Les fruits et légumes qui sont stockés au froid sur de longues périodes peuvent avoir tendance à développer des teneurs en fructanes et en fructose plus importantes.
Mais la hausse des fructanes s’explique aussi par l’adaptation au changement climatique (que ce soit la sécheresse directe, ou indirectement par l’usage de produits phytosanitaires).
De nouveaux tests rendus nécessaires
Certains aliments ont été testés il y a 15 ou 20 ans et considérant les facteurs listés ci-dessus, les résultats font apparaître des différences importantes, mais plus près des produits que l’on achète.
Ils ont ré-évalués ces fruits et légumes et ont donc trouvé que les nouvelles « moyennes » méritaient une mise à jour.
Comment cela peut-il autant changer ?
Je dois vous avouer que ces changements me laissent perplexe et je crois que personne n’avait besoin de cela.
Pour autant, on ne peut pas accuser Monash d’amateurisme, ils sont la référence et sont scientifiquement inattaquables.
Au-delà des facteurs évoqués, il faut comprendre que Monash détermine les portions faibles, modérées et fortes en FODMAP à partir de moyennes :
Si un aliment franchit le seuil défini de 0,2 gr de fructanes ou GOS par portion consommée, alors cet aliment sera considéré comme riche.
Si l’aliment pouvait avant être juste en dessous, il ne ressortait pas dans les tests et était considéré comme faible en fodmaps. Désormais il peut être juste au-dessus, ce qui peut expliquer l’apparition ou la disparition « soudaine » de nouveaux fodmaps pour certains aliments [je simplifie].
Notre processus de laboratoire teste 10 échantillons de fruit ou légume frais pour vous fournir une moyenne, gardez à l’esprit que cette moyenne comporte des variations entre les produits.
Monash, novembre 2021
Concrètement, que devez-vous changer ?
- Si vous avez déjà passé la phase 1, ne changez rien à vos habitudes, ce qui passait pour vous continuera de passer. Si les nouveaux résultats expliquent des constats que vous aviez pu faire, tant mieux.
- En dehors des exceptions que sont l’ail et l’oignon (même de très petites quantités peuvent déclencher des troubles), je ne pense pas qu’il soit nécessaire de respecter au gramme près les portions données. Vous comprenez que les poids donnés en indication sont des moyennes, et que l’aliment que vous achetez n’aura probablement pas les mêmes teneurs. Gardez la logique des grandeurs et des familles de fodmaps. Parlez-en à votre diététicienne pour aller plus loin.
- Si vous êtes en phase 1, alors utilisez les dernières informations.
Peu importe où vous en êtes, le fond de la méthode ne change pas : vous devez être à l’écoute de votre corps, si vous voyez que quelque chose cloche, posez-vous questions et si un ingrédient ne passe pas, il est inutile d’insister.
Encore une fois, seul l’essai/erreur permet de trouver ses limites et interdits.
Si vous voyez à l’inverse que certains aliments passent bien alors qu’ils sont déclarés riches en fodmaps dans une famille que vous ne tolérez pas habituellement, ne vous en privez pas. J’ai d’ailleurs souvent mangé des poireaux, pour moi ils n’ont jamais été un problème alors que je suis sensible aux fructanes. Il est vrai que je trouvais cela bizarre et que cela brouillait les résultats de ma phase 2, mais c’était au final une bonne nouvelle que de pouvoir les réintégrer.
La méthode reste solide
Rien n’est garanti avec les fodmaps, nous parlons de fruits et légumes, nous sommes dans le domaine du vivant et de la nature, pas des mathématiques et de la chimie.
Mais je tiens à vous rassurer, conservez les fondamentaux du régime. Le but principal de la phase 1 n’est d’ailleurs pas d’éliminer à 100% les troubles, mais de les réduire fortement.
Tous les professionnels atteints du SII et experts en fodmaps que je connais ont eux aussi régulièrement quelques petits soucis de digestion de temps en temps. Personne ne les élimine complètement, le but est de les contrôler.
Réduire drastiquement vos apports en aliments riches en fodmaps de la/les famille(s) qui vous pose(nt) problème suffira à vous changer la vie.
Fodmapedia évolue en conséquence
Bien sûr, les données dans Fodmapedia sont modifiées et les implications sont importantes, la mise à jour est encore en cours pour quelques produits dérivés de ces fruits et légumes.
Quelques adaptations au-delà des légumes cités sont effectuées :
Une cinquantaine d’aliments dans Fodmapedia passent de « Aucun fodmap » à « Faible en fodmaps »
Parmi eux, essentiellement des fruits et des légumes tels que les carottes, concombres, cœurs de palmier, kale, radis, citronnelle, oranges, clémentines, rhubarbe, figue de barbarie, papaye, ainsi que quelques confitures.
La nuance apportée est subtile mais importante.
Monash devrait également faire évoluer leurs données en ce sens à l’avenir :
Ces nouveaux résultats nous encouragent à écarter l’usage de l’appellation « sans FODMAP », car nous savons que cet étiquetage peut ne pas résister à l’épreuve du temps.
Monash, décembre 2021 (source 1)
De nombreux aliments restent « sans fodmap »
Parmi eux : les viandes, poissons, coquillages (que des protéines), huiles (que des lipides) ainsi que différents ingrédients comme votre sel de table, l’eau plate, certaines charcuteries, les minéraux et oligo-éléments, acides gras, acides aminés ou alcaloïdes.
Il n’existe pas de zone grise pour eux comme c’est le cas pour les fruits et les légumes, car ces aliments ne contiennent pas de glucides, cela est une certitude.
Au final
Je pense que cela n’est pas une bonne nouvelle dans le sens où de l’incertitude est rajoutée, maintenant c’est aussi le signe d’une plus grande maturité de ce régime, car il n’est pas rare d’avoir eu des retours de personnes dire ne pas supporter tel ou tel aliment qui est réputé sans ou faible en fodmaps.
On ouvre la porte à une complexité plus grande, mais qui permet de mieux expliquer ce que l’on peut constater chez les patients.
Si l’on considère que tant de facteurs peuvent avoir un si grand impact, est-ce que cela a du sens de dire de manger 83 grammes maximum de tel fruit et 42 de tel légume ? Je comprends bien qu’on ne peut pas tester toutes les variétés de chaque fruit et légume, mais s’il faut faire des moyennes, peut-être faut-il lâcher du lest sur ce terrain-là et accepter d’être moins précis, arrondir les poids indiqués paraît acceptable.
Se faire accompagner par une diététicienne experte est très judicieux si vous souhaitez de l’aide pour identifier vos intolérances ou si vous vous sentez perdu(e).
N’oubliez pas que ces tests ont été réalisés en Australie, avec des fruits et légumes australiens. On peut difficilement faire plus loin sur la planète : leur climat, pratiques agricoles et variétés choisies sont donc potentiellement très éloignés des nôtres.
Cela met surtout en lumière la nécessité encore plus flagrante de réaliser des tests « chez nous ».
Les chercheurs de l’Université de Monash l’avouent d’ailleurs eux-mêmes :
Sans surprise, nous avons constaté que les teneurs en FODMAP d’aliments, spécifiquement les produits frais, peuvent varier significativement de pays à pays.
Monash, décembre 2021 (source 1)
On s’y met ?
Sources utilisées
Source 1 : Retested Foods – Why FODMAP Content Might Change, blog Monash, 2 décembre 2022 (mais une version précédente avait été publiée le 14 décembre 2021).